mercredi 20 mars 2013

L'Homme aux Livres

Bonjour à tous ! Ouaip je sais, ça fait un petit moment que j'ai pas fait grand chose sur le blog, mais c'est que je suis assez prise par le lycée ^^'
Cette fois-ci, je vous offre l'histoire dont je suis la plus fière pour le moment. En même temps, elle m'a un peu sauvée de la page blanche qui me durait depuis six mois, alors je lui en suis trèèès reconnaissante. =3
Petite info en sup : elle a été écrite avant "Électron libre".
Info 2 : Corrigée par mon prof de français que j'aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ! XD




Il existait un homme – une des premières fortunes du monde – qui avait lu tous les livres ayant existé. Dès sa naissance, il s’est intéressé à la bibliothèque de ses parents et passait son temps à la regarder jusqu’à ce qu’un jour, à l’âge de ses 2 ans, sa gouvernante lui donne un livre de Voltaire. Ce qui se passa alors resta à jamais dans la mémoire de cette femme et de la famille du garçonnet ; ce dernier avait ouvert le livre et s’était mis à le lire avec la plus grande concentration qui n’ait jamais existé. L’enfant avait appris à donner un sens à une série de dessins étranges avant même de savoir bien parler.
Au fur et à mesure qu’il grandissait, ses parents étaient obligés de renouveler sans cesse la bibliothèque que l’enfant avait terminée depuis longtemps. Tous les livres présents dans la pièce avaient été ouverts au moins une fois par l’enfant. Et, à la plus grande surprise de tous, quand il lisait, la langue du texte n’avait aucune importance ; il comprenait. Absolument toutes les langues, il comprenait. C’était bien sûr aussi le cas pour les langues mortes comme le latin ou le grec. Pourtant, il était incapable de prononcer le moindre mot dans ces langues, ne parlant que le français.
Ses parents, croyant qu’il avait un potentiel énorme, avait tenté de lui apprendre l’anglais. Mais rien ne rentrait dans la tête de l’enfant. Il avait beau comprendre toutes les langues écrites du monde, il était un ignare quand il s’agissait de les parler.
Lorsqu’il devint adolescent, il avait déjà lu tous les livres qui dataient d’avant le XIème siècle. À chaque fois qu’un nouveau livre lui parvenait, il se jetait voracement dessus, terminant en trois heures un livre de deux milles pages. Il dépensait tout l’argent à sa disposition en bouquins au grand dam de ses parents désespérés d’essayer de l’intéresser à autre chose. Tous les professeurs particuliers qui venaient pour apprendre les mathématiques, les langues étrangères, la physique avec ses lois venues d’un autre monde, le commencement du monde, la façon de bien se tenir à table, finissaient par abandonner devant l’ampleur de la tâche d’un garçon qui leur jetait un regard vide quand ils parlaient avant de retourner s’intéresser à son livre.
À ses dix-huit ans, il avait lu tous les livres du monde jusqu’au XVIIIème siècle. Cette période lui prenant beaucoup de temps par le nombre incroyable de livres et de pièces de théâtre sortis pendant ce siècle des lumières.
Ces avis concernant les livres qu’il avait lus étaient nombreux et divergents, mais il ne les partageait qu’avec lui-même. Certains l’avaient fait rire, d’autres, pleurer. On l’avait extasié, décontenancé, fait réfléchir, indigné, rempli de joie, fait tomber amoureux… et tout cela de multiples fois.
À vingt ans, il arriva au XXème siècle. Le style complètement différent des autres siècles l’avait beaucoup interloqué. Alors qu’avant, tout se faisait dans la chasteté la plus pure, on en venait au pornographique le plus dégoutant. Il redoutait le moment où il devait lire un livre de ce genre-là mais il le faisait quand même, suivant son objectif qu’il tenait secret depuis sa naissance et qu’il n’avait jamais – au grand jamais – dévoilé à qui que ce soit.
Après un livre comme ceux-là, il se lançait dans un livre beaucoup plus guimauve ou aventureux pour faire passer le goût de l’horreur qu’il venait de lire. Certes quelques uns étaient très bien écrits et méritaient la considération mais, pour lui, c’était quelque chose d’ignoble.
Il arriva à notre époque à l’âge de trente ans. C’était maintenant devenu un homme. La lumière – autre que celle de la lampe qu’il utilisait – inexistante dans la bibliothèque de son manoir, ou le manoir de sa bibliothèque, lui avait donné un corps presque transparent tant il était devenu blanc. Tous les repas qu’il avait sautés ou grignotés au-dessus d’un livre en faisant bien attention ne pas y mettre de miettes l’avait rendu si maigre qu’il rentrerait tout à fait dans un petit conduit d’aération. Ses yeux étaient entièrement entourés de violet-gris, suite à de multiples nuits blanches. Ses cheveux – à la base bruns – étaient devenus gris et gras.
Quand on le regardait dans les yeux, il faisait presque aussi peur qu’Hitler pour les juifs de la seconde guerre mondiale. La lueur de la vie qui donnait son sens à l’être si pitoyable qu’était l’humain, n’existait pas, remplacé par quelque chose de noir, obscur et terrifiant. Ce n’était même pas de la folie mais bien quelque chose au delà que les médecins ne pouvaient comprendre quand ils étaient amenés par les parents devant leur fils.
Concernant les parents d’ailleurs, ils étaient tous les deux morts d’un accident d’avion deux ans plus tôt, laissant toute leur fortune à leur fils unique. Celui-ci en avait été tellement effondré qu’il n’avait pas lu pendant un jour. Cependant, il s’était replongé rapidement et avec fièvre dans la folie que lui faisaient respirer les livres.
Trois ans plus tard, il avait terminé tous les livres du monde – passé et présent. Dès qu’un nouveau sortait, il était le premier à l’acheter. En trente-trois ans, il connaissait toutes les théories du monde, des métiers, des sentiments et des secrets. Il pensait maintenant tout connaître. Et pourtant ! Il ne connaissait rien puisqu’il n’avait toujours pas atteint son objectif… trouvé la réponse.

*

Lors de la fête du jour de la naissance – la trente-quatrième – un nouveau livre sortit. Il arriva chez l’adulte seulement deux heures après sa parution. Celui-ci ouvrit le papier kraft qui le protégeait. La couverture était d’un bleu profond, une lumière blanche semblait trembloter au milieu de ces couleurs sombres qui l’attaquaient de toutes parts. Toute une pile de livres bleu clair était ouverte devant cette lueur. Le titre, d’un blanc dégoulinant disait ceci : « L’Homme aux Livres ».
Tout de suite inspiré, l’adulte ouvrit la première page puis la deuxième qui répétait le titre. Sur la troisième était inscrite la personne à qui était dédié le livre. Dans une police Arial,  il y avait marqué « À toi, mon personnage éponyme. En espérant qu’il te plaira. ».
Encore plus intrigué qu’il ne l’avait jamais été, il débuta sa lecture. Pour la toute première fois de sa vie, les mots lui apparaissaient tellement lentement. Chaque déterminant, chaque verbe, chaque adverbe, chaque COD, chaque sujet le touchait directement. Lui et seulement lui.
Les larmes lui vinrent aux yeux alors qu’il terminait la quatre cent trente-deuxième page du récit après quinze heures de lecture. Il n’avait jamais mis autant de temps pour lire un livre. Mais celui-ci était spécial.
Touché au plus profond de son âme, il se roula en boule sur le sol où il avait passé toute la journée à lire et s’endormit, les larmes continuant de couler le long de ses joues. À son réveil, il prit une décision – la plus grande qu’il eut jamais prise.
Tout en gardant les mêmes vêtements que la veille – et même de la semaine précédente – il sortit pour la toute première fois des limites de son manoir. Il marcha longtemps avant d’arriver dans une petite ville. Il héla un taxi et monta à l’arrière de celui-ci. Quand il indiqua sa destination au chauffeur, l’homme lui lança un regard totalement interloqué. Déjà le fait qu’un cadavre qui bouge et parle soit monté dans son véhicule le surprenait beaucoup mais alors là. Il prévint l’étrange homme que le prix qu’il allait payer revenait à des milliers d’euros. Parce que franchement, traverser toute la France pour aller sur la côte Atlantique…
Le cadavre lui répondit qu’il n’avait pas à s’en faire, qu’il paierait. Alors, toujours aussi étonné, le chauffeur appela sa femme qu’il ne serait de retour chez lui que le lendemain soir. Très tard. Peut-être même encore plus tard s’il y avait des bouchons. Mais il ne pouvait refuser la course, c’était la meilleure affaire de sa vie !
Le trajet dura exactement seize heures et trente-six minutes, avec deux pauses de vingt minutes chacune. Totalement exténués par le voyage, ils arrivèrent dans la ville touristique, très prisée par les Anglais, connue pour ses quatre tours, son port qui avait fait sa richesse lors du commerce triangulaire et son centre-ville très historique. L’adulte venait d’arriver à La Rochelle.
Durant tout le long qu’avait duré le trajet, il avait longuement réfléchit. Mais pas à lui ; à l’auteur de « L’Homme aux Livres ». Enfin plutôt l’auteure. Son prénom était celui d’un vent que les marins appréciaient beaucoup. L’orthographe de son nom de famille n’était utilisé que dans l’île d’Oléron, à une heure de La Rochelle, toujours dans le Poitou-Charentes.
Il n’avait pas eu besoin de faire des recherches pour savoir où elle habitait. Il avait tout lu et il se souvenait de tout, même des papiers administratifs.
Le chauffeur de taxis reçut par carte bancaire le sextuple de ce qu’il gagnait en un mois. Il n’avait jamais été aussi heureux de sa vie. Après un au revoir à cet homme bizarre, il était retourné chez lui pour une semaine de repos bien méritée en compagnie de sa femme et de ses deux filles.

*

Le milliardaire se tenait devant un petit portillon vert. Il eut beau appuyer sur la sonnette quinze fois, personne n’alla ouvrir la porte blanche de la maison au volets bleu ciel. Il poussa donc le portillon qui grinça. Il arriva devant la porte qui disposait d’une petite fenêtre où on ne pouvait rien voir à travers tant elle était trouble. À sa droite un houx bien vieux se tenait. Et entre le mur et le houx, il y avait une poubelle grise. Un chat tout aussi gris que la poubelle apparut. Il était en surpoids et quand il regarda l’inconnu, il prit peur tout seul et s’enfuit en courant. « Quel chat peureux » pensa l’homme.
Dans l’encadrement de la porte, il y avait une petite cloche. Il la fit sonner plusieurs fois. Et finalement, la fenêtre de la porte s’ouvrit, faisant apparaître une jeune fille qui devait avoir la quinzaine. Ses cheveux dépassaient de dix centimètres ses épaules. Ils étaient ondulés et mal coiffés – peut-être même pas coiffés du tout. Ils étaient bruns très foncés si bien qu’à certains endroits, on aurait pu les croire noirs.
Ses yeux noisettes recelaient une lueur mature et lucide. Des cernes bleus les entouraient comme pour essayer de les faire ressortir. Son nez était légèrement penché. Ses lèvres, roses, étaient toutes abimées par les morsures de dents. Les canines étaient d’ailleurs plus pointues que la normale, semblant faire son bonheur. Son visage était garni de plusieurs boutons d’acné, rassemblés principalement sur son front et son menton.
L’adolescente lui fit un grand sourire et referma la fenêtre avant d’ouvrir sa porte. Elle portait un tee-shirt à rayures horizontales qui avait un col roulé assez grand qui retombait sur sa gorge. Pas celle que le commun des mortels croit mais bien celle qui descendait jusqu’à la poitrine. La sienne était d’ailleurs d’une taille assez simple, pas trop petite, ni trop grosse.
Sur ses bras nus couraient de fins poils noirs dont elle semblait ne pas se préoccuper. Son poignet était sec et rigide. Sa paume était celle d’un homme, ses doigts, d’une pianiste. Un jeans bleu ceignait sa taille. Il ne collait pas beaucoup à la peau mais arrivait quand même à dévoiler les cuisses bien rebondies. L’adulte imaginait bien que c’était là le défaut dont elle essayait de se débarrasser le plus. Mais qu’elle n’arrivait pas à faire d’effort pour mettre son régime en application. Ses pieds étaient quant à eux, nus. Ils avaient beaucoup de corne et étaient sales, preuve qu’elle préférait de loin marcher pieds nus qu’en chaussure ou chausson.
La jeune fille lui refit un sourire qui laissa apparaître une fossette sur la joue droite et pas sur la gauche. Étrange…
L’adulte sourit en retour. Il avait l’impression de faire cette action pour la toute première fois.
Elle s’écarte et le laissa entrer sur le seuil de la maison. Sur la gauche, une porte qui menait à une chambre et une longue armoire sur tout le mur. Sur la droite, une autre porte de chambre et un bureau envahi par des figurines de poules. Même le mur était garni de tableaux représentant cet animal qui offrait à l’homme des œufs magnifiques.
La fille le conduisit dans le salon dont on en voyait un bout depuis l’entrée. Dans cette pièce baignant dans la lumière, l’adolescente le regarda longuement. Sous son regard, l’adulte se sentit rétréci à une tête d’épingle. Un chat tigré et maigre regardait l’étrange échange qui se produisait devant lui.
Puis le silence fut brisé :
« Je t’attendais L’Homme aux Livres. »
Inconsciemment, il l’avait toujours su. Cette réponse qu’il cherchait désespérément. Cet objectif à atteindre. Le fait qu’il n’était pas normal, différent de autres.
L’Homme aux Livres offrit sa main à la femme devenue fillette devant lui. Celle-ci lui sourit une dernière fois puis un nuage de poussières fit place à l’homme. Il se glissa lentement dans la peau de l’enfant.
Les souvenirs du Monde venaient enfin de trouver le repos.

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